J’ai déjà écrit sur la question fondamentale être ou avoir, question particulièrement cruciale dans nos sociétés modernes matérialistes où nous sommes constamment bombardés de publicités sur le dernier téléphone ou la dernière voiture censés nous apporter le bonheur… Ici je propose de revoir le sujet sous un angle différent, qui n’est plus la comparaison des valeurs (lequel de l’Être ou de l’Avoir est supérieur à l’autre), mais celui de l’ordre: faut-il d’abord Avoir ou Être? On y ajoutera aussi la dimension importante du « faire », c’est-à-dire de l’action.
On conviendra sans peine que l’Avoir est important, nous ne sommes pas de purs esprits et avons certains besoins matériels à couvrir. La taille de ces besoins, donc le niveau d’Avoir, est à définir de manière individuelle et dépend de vos priorités dans la vie. Pour certains l’accumulation de biens matériels sera un objectif prioritaire, d’autres sauront se satisfaire de beaucoup moins. Mais quelque soit la quantité d’Avoir que l’on souhaite obtenir, il serait une grave erreur de négliger l’Être. En effet le but principal de la vie est, de manière communément admise, le bonheur. Le bonheur est de l’ordre de l’Être, pas de l’Avoir.
Se pose alors la question fondamentale de l’ordre dans lequel on fixe ses objectifs, ou, autrement dit, de ses priorités. J’examine dans la suite différents ordres de priorités possibles avec leurs avantages ou inconvénients.
Avoir Faire Être (AFE)
AFE est l’ordre probablement privilégié par 90% au moins de nos contemporains, il caractérise sans doute nos sociétés matérialistes. Le postulat est le suivant:
- Je dois d’abord AVOIR (une maison, une voiture, le dernier téléphone, etc etc…)
- Une fois que j’aurai (ce que je souhaite), je pourrai FAIRE (des choses)
- FAIRE (des choses) m’apportera le bonheur
Bien entendu ce modèle est celui favorisé par l’économie capitaliste qui repose sur la consommation, donc essentiellement sur l’AVOIR.
Ce modèle recèle plusieurs dangers ou risques:
- Il conduit à valoriser l’argent comme la chose la plus importance qu’il nous faut acquérir le plus vite possible. En particulier, cela conduit à « acheter l’argent avec son temps », c’est-à-dire à consacrer la quasi-totalité de son temps à « gagner de l’argent ». C’est l’image aussi de la « rat race », la souris qui court de plus en plus vite pour faire tourner sa roue…
- Pour certains, il débouche sur une impasse. Selon l’adage « l’argent ne fait pas le bonheur », certains millionnaires s’aperçoivent un peu tardivement qu’ils sont riches mais toujours aussi malheureux…
- L’accumulation de biens matériels ne remplit pas nos besoins émotionnels et spirituels.
- Certains sont entrainés dans la spirale du « toujours plus »: si 100000€ n’apportent pas le bonheur espéré on cherche à avoir 1M€, puis 10M€, 100M€, puis 1Md€, il n’y a pas de limites…
Bien entendu, il faut un minimum d’Avoir pour pouvoir vivre. Ce modèle est donc parfaitement acceptable pour commencer à « gagner sa vie » et s’assurer un niveau d’autonomie minimal pour, par exemple, quitter ses parents et devenir indépendant. Le problème est que beaucoup se laissent entrainer dans la spirale du « toujours plus », comme un engrenage, sans jamais requestionner ce modèle. La remise en question de ce modèle nécessite une prise de conscience et un détachement de la société consumériste qui ne sont pas simples à effectuer pour tout-un-chacun, il est donc parfaitement compréhensible que le modèle AFE soit aussi répandu…
Être Faire Avoir (EFA)
Ce modèle, beaucoup moins répandu que le précédent, repose sur le postulat suivant:
- Je dois d’abord développer mon ÊTRE (développement personnel). Cela me permettra de mieux me connaitre, de prendre conscience de mes forces et de mes faiblesses, de déterminer ma mission de vie.
- En passant à l’action je peux progresser vers la réalisation de ma mission de vie, conformément à mon Ikigaï.
- La réalisation de ma mission me permettra de gagner de l’argent, ce qui me permettra d’augmenter mon AVOIR
Dans ce modèle, le focus (la priorité principale) est notre développement personnel. Ceci est considéré comme le plus important car permet de déterminer ce qu’on veut véritablement faire de sa vie avant d’agir. Ainsi on est sûr d’avancer dans la bonne direction, celle qui nous apportera le bonheur (voir la célèbre citation de Sénèque). La priorité est donc mise ici sur le bonheur personnel, avant l’accumulation des possessions matérielles. L’argent est vu comme un « multiplicateur de possibles », qui permet de faire grandir un bonheur préalablement existant mais qui n’est pas la condition première de ce bonheur.
Ce modèle correspond aussi au principe « d’acheter du temps avec de l’argent ». En effet, quand on y réfléchit, notre temps (de vie) est bien plus précieux que notre argent. Notre temps est limité, alors que l’argent est potentiellement illimité. Il semble donc logique de privilégier le temps à l’argent au lieu de « perdre sa vie à essayer de la gagner »…
Le modèle EFA est celui que je préconise et qui selon moi correspond le mieux à la philosophie de la vanlife. En effet le vanlifer ne cherche pas nécessairement à toujours augmenter son AVOIR, mais privilégie les expériences de vie lui permettant de développer son ÊTRE. D’autre part, la vie en van possède l’avantage d’être assez peu couteuse et ne nécessite donc pas un très gros AVOIR pour être pratiquée.
Savoir-Être Savoir-Faire Savoirs
Notre système éducatif Français met la priorité sur l’acquisition des Savoirs (école-collège-lycée), puis des Savoir-faire (études supérieures ou apprentissage), peu ou pas des Savoir-être. Malheureusement cela revient à privilégier implicitement le modèle AFE, et explique en partie pourquoi celui-ci est aussi répandu.
Je pense pour ma part qu’il est plus sage, une fois les études terminées (qui sont nécessaires pour acquérir un socle minimal de connaissances et de culture générale) d’investir son argent dans l’ordre des priorités suivant:
- Son développement personnel (savoir-être)
- Ses savoir-faire
- Ses savoirs et ses possessions matérielles
Cet ordre correspond en effet au modèle EFA. Toutefois il n’est pas intuitif pour la majorité de la population: qui préfèrera investir dans une formation en développement personnel que dans le dernier iPhone? On a (à tort) souvent l’impression d’en « avoir plus pour son argent » quand on achète un bien matériel par opposition à un bien virtuel comme une compétence. Une compétence de type « savoir-faire » sera aussi souvent d’avantage valorisée qu’une compétence de type « savoir-être » car elle semble également plus tangible, plus concrète. Notre cerveau primitif privilégie toujours ce qui est plus concret. Il est donc contre-intuitif d’apprendre à inverser l’ordre des priorité « naturel » imposé par notre cerveau et renforcé par notre éducation ainsi que par toute la société dans laquelle nous baignons.
Un exemple: 90% de la réussite dépend du mindset, 10% seulement des stratégies mises en oeuvre. Pourtant les formations en ligne de renforcement du mindset se vendent 10 fois moins bien que les formations « méthode pour gagner de l’argent » qui expliquent des stratégies à appliquer. Ceci parce que ces dernières semblent plus concrètes et plus tangibles, alors que les premières sont cependant autrement plus décisives!
J’espère que cet article vous aura fait prendre conscience de l’importance de l’ordre dans ses choix fondamentaux de vie, et peut-être aidé à reconsidérer vos priorités. Si c’est le cas, je serai heureux de l’apprendre en lisant vos commentaires sur cette page…
Une réflexion sur « Avoir, Faire et Être: dans quel ordre? »
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